Les "anti" ont-ils perdu la bataille de l'opinion ?
Les Verts et les antinucléaires français auraient-ils perdu la bataille ? Plus influents dans les années 1980 et 1990, où ils avaient surfé sur la vague de gauche, ils avaient décroché quelques trophées : le retrait du projet de construction d'une centrale à Plogoff (Finistère) en 1981, la fermeture du surgénérateur Superphénix en 1997. Mais ils ne sont jamais parvenus à imposer la fin du "tout nucléaire", encore moins l'arrêt progressif des 58 réacteurs d'EDF. Un maigre bilan comparé à celui des Grünen allemands, qui ont obtenu en 1998 la fermeture du dernier réacteur en 2020, dans le cadre du programme de la coalition politique SPD-Verts.
Quant à l'opinion publique, l'électricité nucléaire (qui n'émet pas de CO2) lui semble de moins en moins inacceptable, à mesure qu'augmentent les craintes du réchauffement climatique. Selon un sondage du cabinet Accenture (qui a interrogé 10 000 personnes dans 20 pays), 62 % des Français affirment que leur pays doit continuer à investir dans le nucléaire, car les énergies renouvelables ne suffiront pas à elles seules à assurer l'indépendance énergétique.
Des figures du mouvement environnementaliste se sont ralliées au nucléaire. Comme James Lovelock, membre de l'Association des écologistes pour le nucléaire et théoricien de l'"hypothèse Gaïa", qui veut que la planète puisse être appréhendée comme un être vivant (susceptible de se débarrasser des "microbes" que sont les hommes...). Ou Patrick Moore, l'un des fondateurs de Greenpeace. Ils estiment que le réchauffement climatique (montée des eaux, sécheresse dans certaines zones, écarts Nord-Sud accrus, transferts de populations...) est bien plus menaçant que le développement de l'énergie nucléaire.
Les craintes nées de la catastrophe de Tchernobyl, dans la nuit du 26 au 27 avril 1986, semblent s'estomper, même si l'on sait désormais qu'une partie de la France a été touchée par le nuage radioactif qui s'est échappé de la centrale ukrainienne. En France, depuis 1986, la plupart des incidents dans des centrales ont été classés de niveau 1 ou 2 par l'Autorité de sûreté nucléaire sur une échelle internationale (INES) de 0 à 7. Un incident de niveau 3 a été répertorié à Gravelines-1 en 1989, et il faut remonter à 1980 pour constater un accident de niveau 4 à Saint-Laurent.
Faut-il aussi voir dans l'acceptation française - d'aucuns diront la résignation - le résultat de l'absence de véritable débat public ? La décision de relancer la filière en France en construisant le premier réacteur EPR de troisième génération à Flamanville (Manche) a été annoncée dès 2004, notamment pour complaire à la CGT et lui faire accepter plus facilement la privatisation partielle d'EDF. Il a été inscrit dans la loi en 2005 avant même que le débat public, obligatoire pour ce type d'infrastructures, ne débute en novembre 2005. A l'automne 2007, Nicolas Sarkozy a exclu le nucléaire des débats sur le Grenelle de l'environnement, jugeant que la sécurité d'approvisionnement électrique n'est pas négociable.
L'opinion partage certes les préoccupations et les critiques des environnementalistes sur la transparence de l'information, la sûreté, la gestion des déchets ou la prolifération militaire. Autant de risques ou de menaces qui ne seraient pas suffisamment pris en compte par les pouvoirs publics. Les antinucléaires semblent encore suffisamment dérangeants pour qu'une entreprise de sécurité sous contrat avec EDF, voire des responsables d'EDF, ait décidé de se livrer à un piratage de l'ordinateur d'un membre important de Greenpeace France.
Les dirigeants du groupe public ont formellement démenti leur implication, mais ils ne cachent pas leur crainte : voir des militants de Greenpeace ou du réseau Sortir du nucléaire pénétrer dans une centrale. Et prouver ainsi que des terroristes pourraient y entrer...
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