mercredi 17 août 2011

Le secret du bonheur

DALAÏ LAMA. La conférence sur "l’Art du bonheur" que le Dalaï-Lama a donné à Toulouse lundi 15 août a été présentée par Stéphane Hessel, l’auteur du manifeste "Indignez-vous ! ".

Cet ancien résistant, déporté à Buchenwald, ambassadeur de France aux Nations unies, qui compare la Chine, Israël, la Russie et l’Iran à des Etats tyranniques avec lesquels le commerce ne doit pas primer sur le respect des Droits de l’Homme, donne un tour plus politique à la visite "pastorale" du Dalaï-Lama.

«Je me suis toujours situé du côté des dissidents», déclare Stéphane Hessel. Avant sa venue, il à répondu depuis son domicile parisien aux questions de Libé Toulouse. Entretien

Libé Toulouse : la défense des Palestiniens face à Israël et celle des Tibétains face à la Chine relèvent-elles pour vous du même combat ?

Stéphane Hessel : Oui d’une certaine façon. C’est dans tous les cas la priorité à donner au droit universel dans des situations conjoncturelles où la violence a pris le premier plan. Tôt ou tard les Tibétains devront exercer leur religion comme les Palestiniens pourront bénéficier d’un Etat. Le droit international tel qu’il est défini dans la déclaration universelle des Droits de l’Homme doit s’imposer aux porteurs de violence, que ce soit le gouvernement chinois ou les Israéliens. Le gouvernement chinois autoritaire n’est pas respectueux de l’une des quatre libertés fondamentales : la liberté de confession.

Pour vous le Dalaï Lama est-il un "frère" au sens donné à ce terme pendant la Résistance ?

Stéphane Hessel : Oui, tout en sachant qu’au sein de la Résistance nous étions groupés dans un combat qui n’excluait pas la violence. En revanche ma fraternité avec le Dalaï-Lama s’appuie sur la conviction de vouloir vivre dans la paix et le bonheur. Nous nous retrouvons dans ce souci d’un monde moins dégradé. Nous avons en commun la confiance dans la capacité de l’homme à trouver le sens à donner à sa vie.

Vous prônez la révolution non violente. N’est-ce pas dans certains cas faire preuve d’angélisme ?

Stéphane Hessel : Oui, vous avez raison. La non-violence est un objectif important. La violence est cependant quelquefois inévitable. Ce fut le cas pendant la Résistance. Il peut y avoir de la violence mais celle-ci n’apporte pas la solution au problème. La violence est parfois la regrettable nécessité à laquelle on n’échappe pas, mais on sait qu’elle n’apporte pas la solution car elle fera surgir une contre violence encore plus nocive.

A 94 ans, "la fin n’est plus bien loin", dites-vous. Croyez-vous à la réincarnation ?

Stéphane Hessel : Non, je ne partage pas la théologie bouddhiste. Je crois à la préservation dans un grand tout de toutes les vies et du sens que chacun donne à ce qu’est sa vie. Je pense que chacun de nous donne sa vie à l’ensemble de l’humanité. Lorsque cette vie a un sens, elle se prolonge dans l’histoire de l’humanité. Rainer Maria Rilke est le le poète qui a le mieux exprimé cette pensée. Tout en ayant le plus grand respect pour la chose religieuse, je me considère comme athée [...] Je pense que nous avons deux composantes dans notre psychologie : l’une marquée par la violence, l’égoïsme et la cupidité; l’autre empreinte de générosité, d’amour et porteuse de bonheur. Je m’attends à ce que le Dalaï Lama nous fasse part de sa façon de vivre l’humanité heureuse et je suis prêt à réfléchir avec lui à la façon occidentale de porter le bonheur.La façon orientale est fondée sur l’accroissement de la conscience. Notre bonheur à nous a aussi besoin de conscience mais il a aussi besoin d’actions. C’est d’avantage une écoute des autres et de ce que l’on peut faire pour eux.

Propos recueillis par Jean-Manuel Escarnot pour http://www.libetoulouse.fr

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