"Le 7 juin 2009, j'étais heureux et fier. Ce soir, je suis triste et honteux. Il me semble que nous vivons une soirée terrible, mais attendue, hélas ! Symboliquement, une catastrophe politique et sociale est en cours. Nous avons laissé grandir l'idée que ce pays est devenu celui du malaise et du refus. Il y a 30 ans, le Front national réalisait son premier score national de plus de 10 %. Jeune homme, j'avais pensé qu'il y avait un problème dans ce pays en cette fin de siècle et décidé d'y consacrer du temps et de l'énergie. Depuis, après une thèse, trois livres et des centaines d'interventions (articles, conférences) sur le sujet, j'avoue ma lassitude et mon peu d'espoir dans les forces en présence. J'essaie depuis des années de porter l'idée qu'on ne combat pas une vision du monde, fut-elle chimérique, par des atermoiements moralisateurs. Il faut reconstruire une vision du monde alternative... ou s'attendre au pire. Il est impératif de refuser les petits arrangements politiciens avec le réel et l'idéel ; il est urgent de faire émerger une vision et les moyens de la vivre. Le reste, c'est déjà un peu de la collaboration avec les "monstres" qui nous habitent et nous gagnent, un peu chaque jour. Aidés par les médias et l'absurdité de nos peurs, nous collectionnons les "21 avril"... C'est mauvais pour l'image de nous. C'est mauvais pour nous. Et pour le reste du monde. Ce soir, nous avons donné un très mauvais exemple. Il va falloir se réveiller. Cette nuit a assez duré. Le cauchemar devient réalité..." Erwan Lecoeur