samedi 12 mai 2012

Une chaîne humaine contre l'exploration et l'extraction des gaz de schiste à Auch

Sonia Torregrossa
Croisés sur un marché ou sous les drapeaux du 1er mai, les grands yeux bruns de Sonia auront soutenu le regard de plusieurs dizaines de Gersois ces six dernières semaines. Jeudi encore, sous la halle Verdier à Auch, la jeune femme a tracté sans relâche. Le collectif 32 Non au gaz de schiste qu'elle représente espère que la chaîne humaine sera longue demain. Peut-être pas aussi longue qu'un puits de forage (environ 3 km), mais suffisamment pour mettre la pression.
Déjà, la pétition pour « le gel immédiat des prospections et la suspension des permis de recherche de gaz et pétrole de schiste dans le Gers » a recueilli plus de 300 signatures. Et la semaine dernière, une première municipalité, celle de Castelnau-Barbarens, a apporté son soutien, interdisant « tout forage visant à l'exploration ou l'exploitation des huiles et gaz de schiste sur le territoire de la commune ». Une délibération qui permet de renforcer la loi Jacob jugée trop permissive : depuis le 13 juillet 2011, l'exploitation par fracturation hydraulique est prohibée, mais l'exploration, elle, reste régie par le seul Code minier.

Gisement de problèmes

Les sociétés gazières pourraient ainsi exploiter cette faille dans la réglementation et obtenir le droit de forer au titre de la recherche. « Mais une fois le tubage réalisé, qui ira vérifier qu'il n'y a pas de fissure, 3 km en dessous ? » s'interroge Sonia.
Le gisement de problèmes qu'elle décrit, Sonia l'a découvert il y a un an. « En écoutant l'émission " Là-bas si j'y suis " (1), je me suis intéressée au documentaire " Gasland " (2). Je suis maman d'une petite fille de 3 ans, alors quand j'ai vu l'impact sanitaire aux États-Unis, je me suis dit : " Non, pas de ça ici ". Nous n'allons pas mettre en péril la vie de nos enfants pour une énergie qui, de toute façon, sera un jour épuisée ». À 30 ans, Sonia se découvre une âme de pasionaria. Et si elle n'a pas encore la notoriété d'Erin Brockovitch, elle au moins n'est pas seule contre tous : son collectif, né le 27 mars dernier, émane de l'association Bien vivre dans le Gers et son action est appuyée par une vingtaine d'associations, de syndicats et d'organisations. Unis pour que jamais les derricks ne s'invitent sur la carte postale.
La crainte est réelle depuis que le permis d'exploration dit « de Mirande » a été déposé l'an passé par la société australienne Gas2Grid. Ce site constitue une part du site de Beaumont-de-Lomagne (82) qui couvre une zone de 10 405 km2 sur huit départements dont le Gers. Le collectif croit savoir : « Aux dernières nouvelles, le dossier aurait quitté la Dreal (3) et serait sur le bureau du préfet de région ». Contacté mercredi, ce dernier, Henri-Michel Comet, n'a souhaité ni confirmer ni démentir cette information. « Tout ce que je peux vous dire, c'est que l'instruction est en cours », répond le service de communication de la préfecture, précisant toutefois que dans le cas du Gers et du Tarn-et-Garonne, c'est le préfet de département qui jugera « de la recevabilité » du dossier et que « la décision finale sera prise à Paris ».

Dossier opaque

La balle serait ainsi dans le camp du futur gouvernement. Un espoir pour les militants qui ont reçu le soutien d'élus socialistes, comme Philippe Martin qui s'est dit « archi-contre ». La position de François Hollande reste à éclaircir. Dans le Gers, le collectif a sollicité, en vain, un entretien avec le préfet de région pour en savoir plus sur le contenu du permis. « On ne connaît toujours pas le périmètre et la superficie du site mirandais. »
Sonia dénonce l'opacité qui entoure l'instruction, autant que les risques de tels projets : la pollution de l'air (rejet de CO2 et de CH4), visuelle (derricks), sonore (va-et-vient des camions), le risque sismique, les explosions de méthane et surtout la pollution de l'eau aux adjuvants chimiques nécessaires au procédé d'extraction, des composés cancérigènes ou toxiques comme les fluorocarbones, le naphtalène, benzène, les formaldéhydes… « Une part des eaux contaminées reste dans les sous-sols et menace les nappes ; l'autre part est remontée à la surface, stockée dans des bassins à ciel ouvert », explique la militante aux sceptiques qui ne voient pas pourquoi la France se priverait d'emboîter le pas aux Américains et à d'autres, dans cette ruée vers l'or gris.
(1) Emission de Daniel Mermet sur France Inter. (2) Film de Josh Fox, sorti le 6 avril 2011. (3) Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement.
Sud Ouest par Caroline Calvet

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire